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Mises en examen de candidats à la présidentielle, affaire Cahuzac ou sondages de l’Élysée… Et en Normandie ? « Quand on regarde la carte de la corruption, la Seine-Maritime ne fait pas partie des départements les plus touchés », tempèrent-ils. Ils ne sont qu’une poignée dans la région. Leur ambition : prévenir toute corruption et rétablir l’éthique politique.
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« Négligence ou méconnaissance »
Depuis novembre 2014, un groupe local de l’association nationale Anticor s’est établi en Seine-Maritime, puis dans le Calvados. Discrets, et pour la plupart actifs professionnellement, ils veillent sur les actions des personnalités politiques locales.
Des maires de petites communes peuvent, par négligence ou méconnaissance, se trouver en conflit d’intérêt ou ne pas faire d’appels d’offres puisque ne connaissant pas le code des marchés publics. Nous leur proposons notamment des formations pour prévenir ces cas, détaille ainsi Roger* à Normandie-Actu.
Lors des élections régionales de 2015, ils ont incité les têtes de listes à signer une charte sur les engagements éthiques s’ils étaient élus :
Seuls trois candidats nous ont répondu. Nicolas Mayer Rossignol (ancien président du Conseil régional de Haute-Normandie et actuel conseiller régional), le candidat du Front de Gauche et Hervé Morin. Ce dernier nous a répondu qu’il ne signerait pas puisqu’il existait déjà une charte de bonne conduite dans son parti.
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Les bénévoles visent tous les partis, sans distinction et citent, pour exemple, Nicolas Bay et Thierry Légier (suspiscion d’emploi fictif et de fraude au Parlement européen), ou évoquent les cumuls des mandats.
Notre rôle n’est pas de sanctionner. Il est de rappeler qu’il existe des solutions. À un moment, il faut faire un constat et des propositions, constituer un ensemble de citoyens et de représentants de citoyens, insiste Benoît.
Des bénévoles associés aux lanceurs d’alerte
L’association nationale Anticor est épaulée par de nombreux groupes satellites présents dans la plupart des départements et métropoles. Fondée en 2002 par Éric Halpen, juge anti-corruption et Séverine Tessier, ancienne assistante parlementaire d’un député socialiste, elle est agréée depuis le 1er janvier 2016 pour saisir la Haute autorité pour la transparence de la vie publique. Elle l’a notamment fait lundi 13 mars 2017, sur la déclaration de patrimoine du candidat à la présidentielle, Emmanuel Macron.
De près ou de loin, témoins des actes d’élus, les bénévoles, en Normandie, préservent leur anonymat pour ne pas porter préjudice à leur carrière ou à leurs proches. Si le groupe ne fait pas grand bruit, la volonté ferme de ne pas bénéficier de financement est assumée. L’association fonctionne grâce aux adhésions et refuse toute subvention : « Anticor n’a pas les moyens de s’engager sur toutes les affaires. L’indépendance totale est une faiblesse, c’est aussi le prix de la liberté. »
Outre leur veille alerte, le groupe s’appuie sur les « lanceurs d’alertes », qui les sollicitent par mail lorsqu’ils pensent constater une infraction.
Une fois réceptionnées, nous les relayons entre compagnons d’adhésion. Les demandes sont très diverses et ne relèvent pas toutes d’actes de corruption ou sont des querelles de voisinages. Mais, parfois, il y a de vrais motifs de suspicion, poursuit Roger.
Éviter la diffamation
S’engage alors une véritable lutte pour vérifier les faits. Prises de contact avec les élus, demande de documents, « même s’ils connaissent l’existence de la Cada (Commission d’accès aux documents administratifs), ils savent que cela prend un certain temps ». Les bénévoles travaillent sur une vingtaine d’affaires sur lesquelles ils ne souhaitent pas communiquer.
« On agit avec la plus grande prudence. Quand on suspecte des actes de corruptions, il faut des preuves », souligne Roger. Loin de jouer les justiciers, ils bénéficient des conseils avisés d’un pôle juristes et de hauts magistrats qui conseillent « intelligemment et utilement » les lanceurs d’alerte.
Les outils existent pour assurer la transparence de la vie française mais ils sont finalement peu consultés par les citoyens. Par exemple l’affaire Fillon, les citoyens pouvaient s’en rendre compte bien avant ! C’était sur la place publique. »
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« La majorité des élus sont des gens honnêtes »
Leur veille est constante, leur colère présente. Témoins directs d’inégalités ou d’injustices, les bénévoles bouillonnent lorsqu’ils constatent les impairs des représentants politiques : « Par rapport à un certain nombre d’élus et vu l’ambiance générale, il ne faudrait pas que certains s’autorisent à trouver normal de ne pas respecter un certain nombre de choses. La démocratie est lourde et pesante mais prenons de bonnes habitudes ! », argue Benoît, qui se défend de toute animosité envers les élus et reconnaît que « l’immense majorité des élus sont des gens honnêtes qui font bien leur travail ».
Selon lui, l’association vise à rétablir la confiance entre les politiques et les citoyens. Parmi les sympathisants, des élus, mais un certain nombre peinent à « franchir le pas. »
Ils ne veulent pas se mettre en difficulté par rapport à d’autres élus, il existe une pregnance assez forte des appareils politiques. Dans l’exemple de l’affaire Fillon, c’est une affaire de coups de main croisés, qui finit par créer un réseau. Dans un organisme politique, certains ont appris à fonctionner comme ça et ont du mal à en sortir et à signer la charte Anticor. Ils sont mal avec eux-mêmes car ils ont pris le train en marche et leur situation est presque limite, ajoute-il.
Un sentiment d’impunité latent
L’inquiétude manifeste des deux hommes : le « fatalisme » des citoyens, le recul de la participations aux élections et la confusion des genres, avec des propos comme « la droite et la gauche, c’est la même chose. » Ils en sont convaincus : l’État ne se donne pas les moyens d’amplifier la lutte contre la corruption.
« Les contrôles prennent du temps et il existe un certain sentiment d’impunité, ainsi qu’un problème avec l’immunité parlementaire. Certains pensent qu’on va les laisser tranquille puis oublier. Peu à peu, certains mordent de plus en plus le trait. Le détournement d’argent public, tout le monde en est victime. Si on éradiquait la fraude fiscale et la corruption, on pourrait rembourser la dette publique ! »
Avec les récents scandales et mises en examen de certains élus, candidats à la présidentielle, l’éventuel dégoût et désengagement de la vie politique des citoyens est d’ores et déjà une crainte manifeste pour ces bénévoles impliqués :
Pour les élus de tous bords, il va falloir faire des efforts. Ce qu’ils exigent des autres, qu’ils l’appliquent eux-même. Le devoir d’exemplarité, c’est aussi ça. Si nos « élites » et élus ne sont pas inattaquables là-dessus, leurs actions contribuent au délitement du vivre-ensemble, conclut Benoît.
* Les prénoms ont été modifiés.
Anticor
Site web
Contacts : Calvados : gl14@anticor.org / Seine-Maritime : gl76@anticor.org